Fils de Jean SAVATTE, cultivateur, et de Françoise HERY, Pierre Marie Joseph SAVATTE voit le jour le 23 avril 1872 à Noyal-sur-Vilaine (35). Cadet de sa fratrie, il a quatre sœurs, Anne Marie (née en 1870), Marie Ange (1874), Victoire (1876, qui décède 3 ans plus tard), Marie Joseph (1883), et un frère, Jean Marie (né en 1879, qui fera campagne contre l’Allemagne du 6 août 1914 au 16 février 1919).

 

Son recensement militaire se fait à Rennes en 1892 sous le numéro matricule 879.

Brun aux yeux noirs, visage plein et menton carré, le jeune homme d’1,68m possède un excellent niveau d’instruction puisqu’il exerce la profession d’instituteur congréganiste. Le 14 novembre 1893, il incorpore le 70e régiment d’infanterie de Vitré pour son service militaire et va rapidement prendre du grade.

Le 27 mai 1894, il passe caporal. Le 9 décembre, il est fait sergent, puis sergent-fourrier deux jours plus tard.

Le 22 septembre 1896, il est envoyé en congé, son certificat de bonne conduite accordé.

Le 1er novembre 1896, il passe dans la réserve de l’armée active et est affecté au 41e régiment d’infanterie de Rennes.

Le 5 mai 1900, il est nommé sous-lieutenant de réserve et repasse au 70e régiment d’infanterie de Vitré.

Le 1er octobre 1906, il passe dans l’armée territoriale, au 76e régiment d’infanterie territoriale.

Le 11 juin 1907, il est promu au grade de lieutenant et maintenu au 76e RIT.

 

En parallèle de ce parcours militaire, Pierre SAVATTE poursuit sa carrière d’instituteur.

Professeur des Écoles chrétiennes à Cancale (1896), Antrain et La Guerche (à partir de 1898), Pierre SAVATTE est un ancien Frère de Ploërmel qui a accepté sa sécularisation après la loi de 1904. En 1903, il est nommé directeur de l’école Saint-Maurice de Montauban-de-Bretagne, un poste qu’il occupera jusqu’à son départ au front.

 

Le 2 août 1914, la mobilisation générale est déclarée.

De par son grade, Pierre est mobilisé dès le 3 août, malgré ses 42 ans.

En octobre 1914, il part au front pour la première bataille de l’Yser (Belgique). On lui confie le drapeau du 76e régiment d’infanterie territoriale. Comme le rapporte un sergent de sa compagnie : « L’ennemi s’avançait en masse pour franchir le canal ; nos troupes luttaient avec ténacité contre des forces supérieures. Pour enflammer nos soldats, ordre est donné de sortir le drapeau. Le lieutenant SAVATTE, avec la petite garde qui l’environne et a confiance en lui, se tient pendant des heures sur le pont de Steenstraete : les balles sifflent de toutes parts, la mitraille fait rage, les shrapnells déchirent l’air, les obus éclatent avec fracas, mais le drapeau, symbole de la Patrie, flotte au vent porté avec fierté. »

Le 26 novembre 1914, remarqué de ses chefs pour sa bravoure et ses brillantes qualités militaires, Pierre SAVATTE est promu capitaine et reçoit le commandement de la 4e compagnie du 1er bataillon.

La bataille des Flandres terminée, le rôle dévolu au 76e RIT, s’il devient moins dangereux, reste des plus pénibles. Il s’agit de consolider et de conserver les positions défendues avec vigueur.

L’historique régimentaire raconte qu’ « à la fin de l’hiver 1914-1915, le régiment se trouve à nouveau dans le secteur qu’il avait occupé pendant la bataille des Flandres. Malgré des bombardements intermittents, ce secteur est devenu relativement calme. Les hommes souffraient des intempéries davantage que du feu de l’ennemi. »

Vers mi-avril, des indices laissent présager une attaque allemande : « l’adversaire bombarde plus souvent et avec de plus gros calibres ».

Le 22 avril 1915, Pierre SAVATTE s’apprête à partir avec sa compagnie à la relève régulière lorsque se produit l’attaque allemande, aux gaz asphyxiants. « La stupéfaction première passée et les gaz un peu dissipés, les troupes de la défense se reprennent rapidement. » Les journées suivantes seront faites d’attaques et contre-attaques. C’est lors de ces journées, plus précisément le 24 avril 1915, que Pierre SAVATTE va s’écrouler, tué à l’ennemi.

Ce n’est pas dans les archives militaires que l’on trouve le détail de ses derniers instants, mais dans le très long éloge fait dans le Bulletin paroissial.

« Le samedi matin, 24 avril, vers huit heures,  le capitaine SAVATTE donnait un ordre à sa section de réserve. Le mouvement est à peine commencé que le capitaine est frappé d’une balle au côté, il est terrassé, mais se relève aussitôt. Une deuxième balle l’atteint au cou et lui coupe la carotide. Il tombe et meurt les armes à la main, face à l’ennemi, non loin de Steenstraete où, six mois auparavant, il avait si crânement tenu notre drapeau. (…) Sous une pluie de balles, les adjudants MONNIER et PETIT, avec le sergent COUILLARD, ont réussi à mettre son corps sous un abri, d’où les brancardiers l’ont enlevé pour l’ensevelir dans un cercueil de chêne. Une simple croix de bois marque sa tombe dans le petit cimetière de Woesten. »

 

Le bulletin paroissial raconte que « la nouvelle de sa mort, qui arriva comme un coup de foudre, jeta la consternation dans toute la paroisse ».

La messe d’enterrement a lieu à Montauban le 20 mai 1915 en présence d’une très nombreuse assistance, parmi laquelle le Conseiller général d’Ille-et-Vilaine, l’inspecteur de l’enseignement privé et la mère éplorée du capitaine SAVATTE. L’éloge prononcé en cette occasion nous décrit un homme « plein d’ardeur et de dévouement ». Sa fonction de directeur de l’école Saint-Maurice est longuement évoquée : « Dans sa classe, il se donnait tout entier à ses chers élèves, les portant à la piété, au devoir, les faisant travailler avec cette méthode qui lui assurait toujours les succès. Sous sa figure et son regard sévères se cachait un bon cœur ; il aimait ses élèves et ses élèves l’aimaient. ». On apprend que, dans ses heures de repos, « il est à son jardin » et qu’il se révèle artiste quand il s’agit de créer portraits, décorations ou illuminations pour les fêtes religieuses.

Il est également à la tête de la troupe de théâtre, « passant de longues soirées à former ses acteurs ». Il avait également été brancardier lors de pèlerinages à Lourdes. « Toujours et partout, c’était le zèle, c’était le dévouement pour la bonne cause et le bien de ceux qui lui étaient confiés ».

Les échos sont les mêmes du côté militaire. On le disait « destiné au quatrième galon, faisant au feu l’admiration de nos adversaires. Un véritable entraîneur d’hommes, extraordinaire. » Ce que confirme le sergent montalbanais Marc DRUAIS, attaché d’État-Major : « Le capitaine SAVATTE était en haute estime à l’État-Major, parce qu’il était un brave et un modeste. »

 

Le 25 juin 1915, le capitaine SAVATTE recevra, à titre posthume, la citation suivante : « Officier parfait, a toujours donné l’exemple de la plus complète abnégation, chargé le 24 avril d’établir des tranchées sur une position très exposée au feu de l’ennemi, a été tué à la tête de son unité, en la conduisant avec le plus grand sang froid sur cette position. »  Cette citation à l’ordre de l’armée est accompagnée de la Croix de guerre avec palme.

 

Son décès est transcrit le 28 septembre 1915 dans les registres de Montauban-de-Bretagne. Pierre SAVATTE est déclaré Mort pour la France.

Son nom figure sur le livre d’or de Montauban établi par le ministère des pensions, mais aussi sur les trois monuments de la ville (colonne, église, plaque du cimetière). Il est également inscrit sur le monument aux morts de Noyal-sur-Vilaine, sa commune natale.

 

Par décret du Président de la République en date du 17 avril 1920, Pierre SAVATTE sera nommé au grade de chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume (J.O. du 20 juin 1920).

 

Son corps repose dans le carré militaire du petit cimetière de Woesten en Belgique, tombe 28.

 

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